Anaïs TELLENNE
Réalisatrice
Anaïs a reçu une aide à l'écriture pour son prochain long métrage.
Quel est votre parcours artistique ?
Lorsque j’étais adolescente, mon rêve était de devenir pensionnaire à la Comédie-Française. J’ai intégré le lycée Molière à Paris qui offrait une formation théâtrale avec cette illustre maison. Pendant deux ans, sous la direction de Yves Steinmetz (grand professeur ayant fondé aux côtés d’Antoine Vitez l’option théâtre dans les lycées), où j’ai eu la chance de travailler avec des sociétaires comme Laurent Stocker ou Michel Vuillermoz.
Plus tard, j’ai commencé à travailler au Théâtre National de Nice puis dans des théâtres privés. Ensuite j’ai voulu m’essayer au cinéma et à la télévision. Je n’étais pas très épanouie car je me sentais cantonnée à un rôle emploi : celui de la « petite brune sympa ». Je jouais dans des comédies, des séries humoristiques, mais c’était très éloigné de ce que j’avais envie faire. De cette frustration est née l’envie d’écrire et de comprendre comment fonctionnait un plateau. Je me suis acheté des livres de théorie et me suis mise à apprendre l’art du scénario en autodidacte. Avec mes économies, j’ai auto-produit deux courts-métrages. En parallèle, je continuais de travailler comme comédienne jusqu’au jour où, en me rendant sur un plateau, je me suis faite renversée. J’ai été hospitalisée et ai mis du temps à remarcher. Mais je me suis servie de « cet accident de parcours » pour me réorienter : dans les deux années qui ont suivi, j’ai écrit et réalisé trois courts-métrages produits et soutenus par le CNC, Arte ou France 2 et qui ont eu de très jolies vies dans les festivals. Puis est arrivée l’envie dévorante de faire ce premier long-métrage…
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre profession ?
Fabriquer du cinéma aujourd’hui, c’est politique. Entre l’après COVID et les plateformes, les habitudes ont évolué très vite. Nous vivons désormais dans un monde « multi-écrans », où le public est sans cesse abreuvé de contenus. Toutes les histoires, ou presque, ont déjà été racontées…et ce n’est absolument pas un problème ! Ce qui fait un bon film ce n’est pas tant le récit mais le regard que le.a cinéaste porte sur ce dernier. De la super production au film « fauché », l’expérience du cinéma c’est finalement toujours la même chose : découvrir un regard singulier sur le monde. Pour que le cinéma tienne debout, il est de notre responsabilité à nous, « fabricant.e.s » de cinéma d’être très vigilant.e.s sur cette question. À l’heure de l’intelligence artificielle et des récits programmatiques, nous avons plus que jamais besoin de la pluralité des sensibilités, des imaginations et des univers.
Dernièrement, j’ai aussi pris conscience de ce que voulait dire « l’exception culturelle ». En effet, en discutant avec d’autres cinéastes lors de mes voyages pour présenter L’HOMME D’ARGILE, j’ai pris conscience de l’immense chance que nous avons en France. Car même si la route est longue et difficile, il existe énormément de dispositifs qui nous permettent d’être soutenu.e.s de l’écriture à la production, ce qui n’est pratiquement pas le cas dans de très nombreux pays. Notamment aux États-Unis ou en Inde, par exemple, où les économies d’Hollywood et de Bollywood règnent en maître et rendent l’avènement et l’existence de films indépendants particulièrement ardue.
Comment vous voyez vous dans 5 ans ou dans 10 ans ?
Avec la même envie dévorante de faire des films mais avec plus de moyens pour les fabriquer.
Interview réalisée en 2023
Photographie : Lys Arango