Le collectif BALESTRA - CARDELLINI - GONZALEZ
Compagnie de Théâtre

Le collectif Balestra - Cardellini - Gonzalez a reçu une aide à la création pour son spectacle Showroom.

Quel est votre parcours artistique ?
Nous avons tou.te.s trois des parcours assez différents. Depuis qu’elle a terminé la Haute École des Arts de la Scène, la Manufacture à Lausanne, Rébecca Balestra travaille comme interprète et crée ses propres soli de poésie slamée. Igor Cardellini s’est formé en sciences sociales et politiques et œuvre aujourd’hui comme journaliste en plus de co-mettre en scène nos projets. Son attention se focalise sur le performatif, les relations de pouvoir et la manière dont la situation théâtrale permet de les réactiver, de les mettre en jeu. Quant à moi, Tomas Gonzalez, je suis passé par des études littéraires et classiques avant la Manufacture où j’enseigne aujourd’hui. Ma recherche est centrée sur le jeu d’acteur et sur les procédés de copie, d’imitation, de réactivation. C’est notre volonté de réunir ces univers-là qui nous a poussés à créer ensemble. Ca, notre amour pour Tina Turner et le besoin de travailler sur un mode collaboratif où l’on se met au service des formes elles-mêmes, sans hiérarchie préétablie ou rôles figés. Seul.e.s on a souvent des demi-bonnes idées, qui peuvent devenir plus fortes lorsqu’elles sont confrontées à d’autres regards et sensibilités.  

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
Une question qui nous travaille beaucoup en ce moment, c’est plutôt celle de la place qu’occupe la culture dans la société. Évidemment, utiliser le mot culture comme allant de soi est problématique. Il y a différents types de pratiques culturelles, qui impliquent des écosystèmes sociaux variés, des conditions de travail propres et qui s’adressent à des publics définis. Reste que, confondues dans un seul terme, ces pratiques ont toutes été traitées comme inessentielles par le politique. Ce qui est violent dans ce type de traitement, c’est qu’il rend réel ce qui a d’abord été improprement appelé «distance sociale». Car en s’installant dans la durée, l’injonction au maintien d’une «distance physique» est devenue génératrice d’une vraie «distance sociale» entre les gens. Or, pour nous, le théâtre contemporain et la performance ont potentiellement un puissant pouvoir réunificateur, émancipatoire, voire subversif. Alors bien sûr, les audiences de ces pratiques ne sont pas neutres socialement, elles attirent la plupart du temps des petits mondes qui gravitent autour d’eux-mêmes. Mais se réunir autour d’un objet théâtral, ça peut être aussi se donner la possibilité de regarder différemment, ensemble. Se rappeler que le monde est construit socialement, que les règles et normes qui le régissent ne sont pas immuables, que tout cela bouge et que l’on peut jouer avec, pas uniquement subir, parfois même changer les choses.

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Ensemble, ou pas. Mais dans des contextes où nous aurons renforcé et étendu les espaces que nous nous sommes créés pour entrer en dialogue avec des publics, partager des formes, ressentir le monde, l’interroger. Dans des sociétés où les soutiens aux systèmes de formation, de production et de financement n’auront pas été remis en question. Où ils seront valorisés avec le but de garantir aux artistes et à tous les métiers qui permettent aux arts vivants d’exister des conditions de travail décentes.

 

Interview réalisée en 2021
Photographie : Julia Grandperret