Kamila K. STANLEY
Photographe

Kamila a réalisé les portraits des talents soutenus par Porosus en 2020. 

Quel est votre parcours artistique ?
Quand j’avais 19 ans, je suis partie étudier au Brésil et en Argentine. Avant de partir, j’ai chiné un réflexe argentique chez Emmaüs, faute de moyens pour m’acheter un équivalent numérique. C’était un Minolta des années 60. En Amérique du Sud, j’étais émerveillée par tout, et j’ai appris à utiliser ce boîtier pour documenter toutes les villes, les routes, les rencontres jour et nuit qui me fascinaient. J’ai découvert un monde.En technique, j’ai beaucoup appris à travers des livres, des tutos Youtube, en assistant sur des plateaux, et surtout en photographiant énormément. Je passais tout mon temps libre à réaliser des portraits de mes sœurs, mes frères, mes amis artistes et musiciens. Au bout d’un moment, je me suis armée d’un portfolio et j’ai été taper très naïvement aux portes de grands magazines. C’est ainsi que j’ai eu mes premiers travaux publiés (dans VICE, The Telegraph, The Huffington Post, etc), alors que j’étais encore ado. J’ai aussi été lauréate à des concours photos, on m’a invité à participer à des expos, tout ça a beaucoup influencé mon parcours.
Une fois diplômée en langues, j’ai continué à pratiquer la photo en parallèle à d’autres professions. Au bout de deux ans, j’ai tout quitté pour me consacrer au médium. Je me suis installée à Paris (où je vis en ce moment), en grande partie grâce à des marques et magazines qui m'ont repérée et soutenue.
En 2017, j'ai publié Fantasmas mon premier livre photo, consacré à la ville de Rio de Janeiro, fiévreuse et désenchantée, au lendemain les JO. L'année d'après, à l'occasion de la Journée Internationale de la Femme, j'ai réalisé une série de portraits de jeunes femmes artistes à Paris. Cette année, j’ai passé plusieurs mois au Brésil pour réaliser une série sur la jeunesse LGBTQ+ brésilienne ; à l’heure où l’homophobie connaît une impulsion alarmante dans le pays.

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur votre profession ?
La photo est un médium qui se transmute, se réinvente, et se révolutionne chaque jour. Pour ma génération, l’internet a bouleversé notre accès aux arts visuels et la manière dont les images circulent. Cette quantité d'informations disponible facilite l'apprentissage, et m’a permis d’être entièrement autodidacte. En contrepartie, il y a aujourd'hui une compétition acharnée, qui fait que notre travail est souvent dévalorisé, et exacerbe les frontières sociales dans la profession. Par exemple, c’est complexe de se lancer lorsque l’on vient d’un milieu ‘working class’ comme le mien, puisqu’au début beaucoup de clients choisissent de payer leurs photographes mal, en retard, voire pas du tout ; en partie à cause de la saturation du marché.
Le plus gratifiant c’est que l’on n’arrête jamais d’apprendre. Mes projets et commissions en photo m’ont amené à connaître des gens et des endroits à mille lieux de mon petit cercle de confort. Ces moments sont comme des claques. C’est un beau métier qui récompense l'audace et l'effort.

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Aujourd'hui je travaille beaucoup dans la photo de mode et commerciale, mais j'aimerais me concentrer d'avantage dans les années qui viennent sur mes séries personnelles, et pouvoir les présenter aux festivals et concours. J’ai tellement d’idées de thèmes que je voudrais étudier et photographier, mais ce sont des projets difficiles à financer. J’espère, dans 5 ans, avoir pu en accomplir quelques-uns et avoir entrepris encore des voyages, pour continuer à aiguiser mon regard et ma compréhension du monde.
Je rêve d’avoir un jour un vrai studio, équipé avec tout le matériel dont j’ai besoin, pour que je n’ai plus constamment à en louer: lumières, pieds, fonds coloramas, etc. Je voudrais avoir le nom de mon studio en néons de couleur, et recevoir toutes sortes de projets passionnants. J’ai récemment découvert la vidéo et acheté une caméra sur EBay. J’ai réalisé deux clips et j’ai adoré. La vidéo me parait comme une continuation intéressante de la photo, et j’ai hâte de voir où ça peut m’amener. 
Enfin, j'aimerais à long-terme transmettre une partie de ce que j'ai appris, à travers des cours, des workshops ou des événements... La photographie reste difficile d'accès aux femmes, aux classes moyennes et aux plus démunis. J’aimerais pouvoir donner des outils d’apprentissage à ces cercles là… et peut-être même les accueillir dans l’équipe de mon studio !

 

Interview réalisé en 2020
Photographie : Kamila K. Stanley