Katell QUILLÉVÉRÉ et Hélier CISTERNE
Réalisateurs
Hélier et Katell ont reçu une aide à l'écriture pour leur prochain long métrage.
Portrait d'Hélier Cisterne
Quel est votre parcours artistique ?
J’ai grandi entre le Lot et La Corrèze, dans un environnement de villages et de campagnes.
Mon parcours artistique a commencé là bas, où j’étudiais la musique, je rêvais de rock n roll, de hip hop et de révolte, je vivais ma vie très proche de ma famille, et où un jour au cinéma à côté de chez mes grands parents paternels j’ai découvert Crash de David Cronenberg et la puissance, la liberté du cinéma qui pouvait changer notre regard sur le réel qui nous entoure, celui le plus proche comme le plus lointain, celui que nous croyons connaître comme les mondes de l’imaginaire qui sont en nous. Je suis monté à Paris, comme on dit, pour apprendre le cinéma. J’ai trouvé de la place en Philosophie à l’université de Saint Denis, et j’ai rencontré Katell Quillévéré sur les bancs de cette fac. Ma vie a changé et les plans aussi. Katell qui avait fait une prépa pour les grandes écoles de cinéma à finalement décider de travailler très vite à la SRF (Société des réalisateurs de Film) en parallèle de son Master de recherche en Cinéma , j’ai tenté ma chance avec un scénario au Grec qui finançait les premier courts métrages… et, grâce à eux, Dehors, mon premier court métrage, est né en 2003. J’ai rencontré Justin Taurand au festival de Pantin qui avait sélectionné mon film, il est devenu le producteur de mon court suivant et de toute la suite jusqu’à aujourd’hui ! En parallèle Katell réalisait À bras le corps son premier court métrage, puis deux autres à la suite, et bientôt Un poison violent son premier long métrage en 2010. Je vivais de petits boulots alimentaires, en dehors du cinéma, en parallèle de l’écriture de mes projets quand je ne réalisais pas. Et j’ai finalisé mon premier long, Vandal, en 2013 au bout d’un long processus de développement et de fabrication. Ensuite Éric Rochant m’a contacté parce qu’il cherchait dès réalisateurs de cinéma pour lancer son projet personnel de série Le bureau des légendes, une série au style réaliste avec une grande attention portée aux comédiens, deux qualités qu’il m’a dit avoir vu dans mon film. Katell réalisait, de son côté, Suzanne en 2013, puis Réparer les vivants, l’adaptation du roman, en 2016. Ensuite, je me suis lancé avec Katell sur le projet d’adaptation du roman De nos frères blessés qui est devenu notre premier scénario écrit à quatre mains et mon deuxième long métrage. Aujourd’hui nous finalisons, tous les deux, une fiction de 6 épisodes, Le monde de demain, sur la naissance du hip hop en France, pour Arte et Netflix, que nous avons entièrement coréalisée.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
Que l’objet soit un film, une série, ou un objet filmique différent, le métier de réalisateur reste inchangé car il a toujours été finalement différent selon chaque situation et chacun. Réaliser, Showrunner, diriger un projet c’est comme partir pour une traversée sur un océan dont on a dessiné la carte mais dont on découvre le territoire, il y a mille façons de le partager avec un équipage… et au final, c’est avant tout un métier d’adaptation à ce qu’on découvre, aux obstacles et aux courants favorables qu’on rencontre pour atteindre un objectif qu’on s’est fixé (dans un projet personnel), ou qu’on accomplit pour d’autres (dans une commande). Réaliser c’est créer. Et créer c’est affirmer et assumer une vision du monde, ou en tout cas de la partie qu’on raconte. Ce qui est fort aujourd’hui, c’est que même si faire des films reste trop largement réservé aux classes privilégiées…, quelque chose de l’aristocratie ou d’une forme d’élitisme s’est largement érodée. L’idée que,ceux qui font, peuvent venir de n’importe où est largement partagée. C’est déjà un premier pas. Enfin se dessine aussi l’horizon d’une vraie égalité femme / homme dans le nombre de film dirigé par des femmes, leur droit à imprimer un point de vue, à irriguer notre représentation du monde et à construire notre imaginaire autant que les hommes privilégiés qui ont très majoritairement façonné notre vision du monde jusqu’ici. Après plus largement, les deux années que nous venons de traverser on bousculé, bouleversé notre rapport au quotidien, à nos sorties et aux espaces collectifs… donc aux écrans. La crise actuelle a accéléré les choses qui se dessinaient déjà dans notre rapport au Cinéma, à la télévision, aux plateformes. Au tournant dès années 90, avec l’explosion de la VHS, de téléviseurs modernes, de Canal +, les cinémas français étaient moribonds et on donnait peu de temps de survie à la salle… mais les productions ont renouvelée leurs offres, les salles se sont modernisées, les programmateurs et exploitants se sont retroussé les manches… les années avant Covid étaient celles des chiffres de fréquentations records. L’époque nous offre, comme toujours, sans doute une occasion de nous renouveler. Tant mieux !
Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
A travailler sur un projet de film, et un projet de série en parallèle… ou l’inverse. Parce qu’il n’y a que le « faire » qui compte, le voyage de la création d’un projet. Je me vois aussi a continuer à m’améliorer, me remettre en question dans ma manière de travailler avec les autres, à être plus attentif et humain en toute situation. Continuer à me détacher des idées reçues encore très présentes selon lesquelles un réalisateur est fort quand il autoritaire, inflexible, intraitable… je n’arrête pas de découvrir la vanité de ces idées avec lesquelles nous nous sommes construits. Et à passer tout le reste du temps avec ceux qui comptent pour moi, la famille, les amis et surtout pas à courir après l’ambition et les vanités. Seul compte le voyage, et ceux avec qui on le fait.
Interview réalisée en 2021
Photographie : Julia Grandperret