Morgane DELFOSSE
Photographe

Morgane est lauréate des rencontres photographiques des Amis du Musée Albert-Kahn, promotion 2022, et a reçu une bourse pour sa série Réparer.

Quel est votre parcours artistique ?
Grâce à un environnement familial où elle avait toute sa place, la photographie a toujours été pour moi vecteur de mémoire, un objet formidable permettant de ne rien oublier. Enfant, je dessinais beaucoup, et je garde de cette époque un goût prononcé pour la contemplation et l’émerveillement. Dès l’adolescence, l’appareil photographique devient mon outil de prédilection et je me jette toute entière dans cette passion. Sans l’ombre d’un doute, j’en ferai mon métier. Au Septantecinq, une école supérieure des Arts de l’image à Bruxelles, j’ai appris à transformer l’image-souvenir en image-témoin, à rendre compte d’une histoire avec sincérité et implication. Après mes études pourtant, c’est d’abord la photographie de commande qui m’occupera.
En septembre 2018, ma vocation me rattrape, et j’entame alors des recherches documentaires autour de problématiques qui me touchent. Celles-ci me poussent à m’envoler vers Kinshasa pour rencontrer Nzusi, Rosette, Mambuta et quelques autres femmes congolaises, toutes souffrant de fistules et dans l’attente de soins. Ce voyage me transforme. J’en ramène un premier chapitre à Réparer — série pour laquelle le Fonds Porosus me soutient — et la certitude d’être là où je dois être. Depuis, je me concentre sur le territoire français, et voit mon travail encouragé par l’attribution de prix et de résidences. Aujourd’hui et dans chacun de mes sujets, je traite de l’intime tout en soulevant des questions sociales et politiques. Cette approche reflète mon envie de produire une photographie sensible et engagée, et d’aller à la rencontre des autres, plaçant toujours l’humain au centre de ma démarche.

Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
C’est une profession multiple et en mutation permanente — il y a autant de conceptions de la photographie qu’il y a de photographes, des outils en constante évolution, et des images partout, mais pas toujours pertinentes. Aussi, j’estime qu’il est de notre devoir de professionnel·les d’inscrire de l’éthique dans nos pratiques et de les remettre en question sans cesse. Selon moi, ces derniers temps sont marqués par l’avènement d’une nouvelle photographie militante, féministe et incarnée, et c’est heureux !

Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
Dans les prochaines années, je veux réussir à concilier projets documentaires et portraits de presse, ateliers de transmission et reportages de commande pour des médias et des clients dont je partage les idéaux, notamment d’un point de vue écologique et sociale. J’aimerais également me tourner vers la production de livres — mon premier ouvrage paraitra aux éditions Filigranes et Zone i en 2023, dans la collection Terre & Territoires, et j’espère qu’il sera suivi de nombreux autres. À moyen-terme, je souhaite approfondir mes connaissances en éducation à l’image, mais aussi reprendre des études et me former en Art-thérapie pour aller plus loin dans l’impact bénéfique que la photographie peut exercer sur chacun·e. Enfin, à beaucoup plus long-terme, je rêve de quitter la ville pour de bon et de participer plus activement encore à la décentralisation de la culture.

 

Interview réalisée en 2022
Photographie : Julie Glassberg