Aurélia LUSCHER
Metteuse en scène
Aurélia a reçu une aide à la création pour son spectacle Les corps incorruptibles.
Quel est votre parcours artistique ?
C’est au Conservatoire de Genève que j’ai démarré ma formation et l’ai poursuivie à l’École de la Comédie de Saint-Étienne de 2012 à 2015. J’ai rencontré mes camarades de travail au cours de ses formations. Tout d’abord l’auteur et metteur en scène Guillaume Cayet, avec qui nous avons créé la compagnie le désordre des choses, ressentant le besoin et la nécessité de nous emparer de sujets ancrés dans notre réel contemporain. Nous avons réalisé plusieurs projets en collaboration avant de prendre des directions esthétiques distinctes. Nos spectacles conservent néanmoins une approche commune : ils mêlent constamment documents et fiction, fable et réel, en s’appuyant sur l’enquête et l’analyse. Pour approfondir nos sujets, nous nous entourons de penseur·euses et de chercheur·euses. La compagnie défend un théâtre décentralisé et de service public, qui met en lumière sur scène des corps, des voix et des idées trop souvent absents des plateaux traditionnels. Dans cette même logique, nous avons installé la compagnie dans une ferme en agriculture biologique, sur le territoire du Puy-de-Dôme en Auvergne. Nous travaillons à plusieurs échelles, en créant des spectacles à destination des salles dédiées et d’autres pour être joués en itinérance. À côté de ses créations, la compagnie tend à mener des projets d’éducation culturelle connectés aux sujets abordés dans ses spectacles, au sein de prisons, conservatoires de théâtre, ateliers amateurs ou associations diverses.
Les Corps incorruptibles créé mars 2024 au Studio Théâtre de Vitry est ma dernière création. Il est lauréat 2022 du dispositif de production et diffusion le Réel Enjeu et reçoit le soutien des fond de dotation Porosus et le soutien de la Fondation d’Entreprise Hermès dans le cadre de leur festival Transforme. Ce projet questionne la gestion des dépouilles mortelles en occident et mêle les pratiques artistiques, dans un aller-retour permanent entre arts plastiques et théâtre, performance et fiction. Ces allers-retours entre arts plastiques et théâtre, entre matière et parole, naissent des pratiques que je développe en parallèle, comme la sculpture, la céramique, le moulage... Il s’agit pour moi de proposer au public un univers qui tient à la fois du théâtre, de la performance et de l’installation. Dans ce cadre de production hybride, je peux alors endosser à la fois le rôle d’enquêtrice, d’autrice, de scénographe, de constructrice et de comédienne.
En 2018, avec Marie-Ange Gagnaux, Clara Bonnet, Itto Mehdaoui et Florence Verney, nous créons le Collectif Marthe, implanté à Saint-Étienne. Au sein du collectif, nous écrivons, jouons, mettons en scène et construisons, toujours sous un prisme féministe, nous emparant d’œuvres théoriques ou non théâtrales. Le Collectif Marthe est un lieu de formation mutuelle où nous expérimentons toujours, sans hiérarchie aucune, et aiguisons nos regards.
Quel regard portez-vous aujourd'hui sur votre profession ?
Comme la plupart des travailleur.euses du spectacle vivant, je suis extrêmement inquiète quant à la tournure que prend l’économie culturelle en France. Je pense que c’est par le collectif qu’on trouvera des issues justes.
Comment vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
A la direction d’une coopérative funéraire, vivant entre la Suisse (pays de mon enfance) et la France, mon pays de coeur. Je ferai encore du théâtre et des arts plastiques, des formes hybrides et j’espère inclassables, avec des amies que j’aime et qui me donneront confiance.
Interview réalisée en 2025
Photographie : Isabelle Chapuis